
L'apnée du sommeil est une pathologie très invalidante mais encore méconnue, qui pourrait toucher jusqu'à 15 millions de Français. En une décennie, la médecine a fait d'immenses progrès pour traiter cette pathologie. Notre Temps répond à 4 questions sur l'apnée du sommeil.
L'apnée du sommeil, c'est quoi?
Son petit nom médical: syndrome d'apnées hypopnées obstructives du sommeil (SAHOS). C'est une maladie chronique fréquente, qui se traduit par de courtes pauses respiratoires pendant le sommeil ou une respiration superficielle. Pour diagnostiquer un SAHOS, il faut que le patient ait la respiration bloquée pendant au moins 10 secondes, au moins 5 fois par heure et cela toutes les nuits. Comment l'expliquer? Les muscles du pharynx se relâchent et bloquent la respiration.
Problème: quand le dormeur suspend sa respiration, il ne s'en rend pas compte, or son cerveau manque d'oxygène. Ces apnées fragmentent le sommeil, la personne se réveille épuisée, dans le brouillard, la bouche sèche, parfois avec des maux de tête. Et la fatigue peut se doubler de somnolence diurne. C'est-à-dire que le patient s'endort, parfois même sans s'en rendre compte, plusieurs fois dans la journée. Ces petits endormissements involontaires peuvent avoir de lourdes conséquences, notamment des accidents sur le lieu de travail ou sur la route. "Je m'endormais sur mon canapé dès que j'étais en inactivité et au volant, aux feux rouges", raconte ainsi Sophie, 48 ans, diagnostiquée en 2019. Les personnes qui souffrent d'apnée du sommeil risquent deux à sept fois plus que la population générale d'avoir un accident de voiture.
Or, beaucoup ignorent qu'ils sont concernés. "C'est une maladie peu connue et peu reconnue, et on peut largement améliorer sa prise en charge", assure Christine Rolland, directrice de l'association Asthme et Allergie et chargée de mission de l'Alliance Apnées du sommeil.
Pour tenter d'y remédier, cette dernière lance en janvier une campagne de sensibilisation sur Internet, avec le soutien du laboratoire français Bioprojet. "Le sommeil est un déterminant majeur de la bonne santé, aussi important voire plus que l'alimentation et l'activité physique", assure Marc Sapène, pneumologue spécialiste du sommeil à Bordeaux.
Combien de personnes seraient concernées?
Selon l'Inserm, au moins 30% des plus 65 ans souffriraient de cette pathologie, mais ils ne sont pas les seuls. "On estime qu'entre 1,5 et 3 millions de Français souffrent d'apnées du sommeil, précise Marc Sapène, également président de l'Alliance Apnée du sommeil. Mais ce n'est que la partie émergée de l'iceberg. Je pense que nous sommes plus proches de 12 à 15 millions de personnes!"
Autre idée reçue: on a souvent l'image du patient typique qui serait un homme, âgé et en surpoids. Mais cette pathologie peut en fait toucher tout le monde. Et 1 femme sur 4 serait concernée, en particulier pendant la grossesse. "Les enfants aussi peuvent être sujets à l'apnée du sommeil", renchérit le médecin. Néanmoins, les personnes diabétiques, en surpoids, qui ronflent ont davantage de risques d'en souffrir.
A partir de quand la somnolence est pathologique?
Pas évident de savoir si vos petits coups de fatigue sont un symptômes d'apnée du sommeil ou une baisse d'énergie normale. "Aucun patient ne me parle de somnolence en consultation, en revanche ils se plaignent tous de fatigue", nuance Marc Sapène. Mais à la différence d'un diabète qu'on peut confirmer par des prélèvements sanguins, des données objectives, évaluer la somnolence de quelqu'un s'avère bien plus complexe. Est-ce anormal d'avoir un petit coup de fatigue juste après déjeuner? Non, répond le pneumologue. "La somnolence devient pathologique lorsqu'elle survient quotidiennement, à n'importe quel moment de la journée et interfère avec les activités quotidiennes", précise-t-il. Pour aider les patients qui s'interrogent, l'Alliance Apnées du Sommeil partage un test, appelé test d'Epworth, que le médecin spécialiste du sommeil soumet à ses patients. En répondant à ce questionnaire, la personne obtient en quelques clics un score sur 20. Si votre résultat est supérieur ou égal à 10, il est probable que vous soyez atteint de somnolence diurne excessive, mieux vaut donc consulter.
Quels sont les traitements efficaces?
Perdre de poids
Le premier traitement, c'est de changer son hygiène de vie afin de perdre du poids. Encore une fois, une alimentation équilibrée et une activité physique régulière sont des atouts de taille pour éviter ronflements, apnées et quantité d'autres maladies qui y sont associées (diabète, hypertension…). "On peut aussi faire des exercices avec un kiné pour redonner de la force aux muscles derrière la langue", ajoute Marc Sapène.
L'orthèse d'avancée mandibulaire
Un petit appareil à poser sur sa mâchoire en se couchant, un peu comme une gouttière pour éviter de grincer des dents. L'orthèse va permettre d'avancer la mâchoire pendant la nuit et ainsi d'étirer le pharynx. Mais il est réservé aux apnées du sommeil modérées.
La pression positive continue
Le roi des traitements, c'est la pression positive continue des voies aériennes (PPC). Le patient va porter toute la nuit un masque relié à une machine qui va envoyer dans son nez de l'air en pression continue pour éviter la fermeture du pharynx. Et la machine enregistre les microréveils (ou l'absence de mini pauses de la respiration) chaque nuit pour que le médecin puisse avoir un suivi sur le long terme (si le patient accepte de les communiquer). La machine est remboursée en partie par l'Assurance maladie, à condition que le patient l'utilise au moins 4h par nuit. Une technique efficace, néanmoins contraignante. "Ce n'est pas sexy! reconnaît Marc Sapène. Certains patients se plaignaient d'avoir des marques, voire des irritations sur le visage." Mais en quelques années, les fabricants ont mis au point des machines plus petites et des masques moins désagréables à porter. Reste que beaucoup de patients abandonnent ce dispositif: selon une étude française sur 480 000 patients en 2021, un quart des personnes appareillées avaient abandonné la PPC au bout d'un an.
Autre limite: pour certains patients, la PPC ne suffit pas. C'est le cas de Sophie. "Quand j'ai commencé la pression positive continue, ça a été révolutionnaire, je n'avais plus de sensation de brouillard le matin, plus de mal de tête, plus d'endormissement la journée, dévoile cette patiente du Dr Sapène de 48 ans. Mais progressivement, ça allait de moins en moins bien." Au bout de 2 ans, elle se décide à en parler avec son généraliste et retourne voir le Dr Sapène. Il lui prescrit des médicaments pour éviter les somnolences. Une fois la bonne dose trouvée, Sophie dort bien la nuit et se réveille en forme. Cependant, beaucoup de patients appareillés qui après une "lune de miel" ne voient plus d'amélioration, ne font pas la démarche de consulter à nouveau.
"Environ 10% des personnes qui bénéficient de la PPC restent somnolents", avance Marc Sapène. Or, depuis environ un an, deux médicaments sont arrivés sur le marché français et peuvent soulager ces malades. Remboursé depuis février 2022? Ozawade, développé par Bioprojet, est prescrit uniquement pour les personnes qui souffrent d'apnées du sommeil et qui ont été traitées par PPC sans succès ou qui sont intolérantes à la PPC. Un deuxième médicament, Sunosi ( solriamfetol), développé par le laboratoire américain Jazz Pharmaceuticals est également remboursé par l'Assurance maladie pour les mêmes indications depuis 2020. Voilà pourquoi la campagne de sensibilisation vise également les patients déjà diagnostiqués, mais dans une impasse thérapeutique.
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